lundi 18 mars 2013

Fées fatales. par Jean Lorrain


POEME


Leurs yeux troublants d'aigue-marine
Ont le languide attrait des flots.
Les lys en feu de leur poitrine
Sèment la guerre et les sanglots.

Leur lèvre est rouge et leurs fronts pales.
Et, sous le hennin couleur ciel, 
Leurs cheveux roux, semés d'opales,
Bondissent en flots d'hydromels.

Les héroïnes sont farouches.
Il faut des meurtres et des morts
Pour atteindre au miel de leurs bouches.
Leurs longs baisers sont des remords.

Les batailles, les épopées,
Leurs trahisons, les vains serments,
Mieux qu'au clair fracas des épées,
Revivent dans leurs noms charmants.

Mélusine, Yseulte, Genèvre, 
Triste comme un appel de cor,
Leur nom baise et meurtrit la lèvre.
Qui l'a dit le redit encor ;
La tunique entrouverte aux hanches, 
L'or des cheveux en fusion,
Les sveltes reines aux mains blanches
Surgissent, lente vision.

La clarté du songe les baigne,
Allumant en humide éclair
Les perles rondes de leur peigne, 
Et les tons nacrés de leur chair.

Et, dans les feuilles trilobées,
Des chardons bleus et des lys d'or,
Des reines au temps dérobées.

                            Jean Lorrain.   

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